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1994 / 2004

PACMAN

DIFFERENT STREET PAINTINGS,

PERFORMANCES AND ACTIONS.

by Bertrand Peret - 2010

I have been working with this little yellow creature for almost 20 years...As often, it started from a little anecdote, an experience of life that I have interpreted little by little to give it here a symbolic meaning. In short : in the early 90s, I had a summer job in Hourtin, a sea-side resort. I sold sweetson the beach. It was a very tiring job, but I loved it ! In the gaming room of one of the cafés, there was a Pacman. I would spend hours every night playing, so as to lift the stress of my day’s work off. Very quickly I drew the parallel between my beach activities and my wanderings in the mazes of the arcade. On the beach I was Pacman.
Every day the layout of the beach would change, offering me a new picture to explore and within to venture. I excelled in both disciplines. I did brilliantly on the beachand ranked up high scores at the game.
In the beginning I was mostly interested in the mobile dimension of the pacman and in the metaphorical value of its moves, but I quickly looked into the story of the game and the way it appeared in the world of entertainment. We grew up along together, those games and me. We shared our childhood, like, say, brothers or cousins the same age. And this kinship has never left us.
It makes sense to consider the shape of Pacman. It is a ring , a pixel ring, but a ring indeed. A dot, a cell. A starting point. And I lingered on this aspect, the organic and cellular dimensions of Pacman.
The evolution of videogames over the last 30 years, more precisely here the physical appearance of the characters in the games, validates the thesis of a symetry between the evolution of man in the flesh and of the pixel being.

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Ca fait presque vingt ans maintenant que je manipule cette petite bête jaune. Comme souvent, c’est parti d’une anecdote, d’une expérience de vie que j’ai petit à petit interprétée pour lui donner trés clairement ici un sens symbolique.​
Rapidement: au début des années 90, pendant quatre ans, de dix-neuf à vingt-trois ans, j’ai fait des saisons en travaillant sur une plage à vendre des beignets. Dans la salle de jeu d’un des bars la station balnéaire il y avait une borne d’arcade Pacman. Je passais chaque soir des heures à y jouer afin de décompresser de ma journée de plage et très vite j’en suis venu à faire un parallèle entre mon activité sur la plage et mes déambulations dans les labyrinthes du jeu. Sur la plage je procédais relativement de la même façon, je cherchais à me déplacer le plus habilement possible au milieu d’un labyrinthe de serviettes en disséminant des éléments à avaler, tout en essayant d’être plus efficace que les autres vendeurs, qui dans mon imaginaire jouaient un peu le rôle des fantômes du jeu. Moi bien sûr j’étais le Pacman. Tous les jours la configuration de la plage changeait, m’offrant à chaque fois un nouveau tableau à explorer et dans lequel évoluer.​
J’excellais dans les deux exercices. Je cartonnais sur la plage et j’enchainais les high score dans le jeu.​
J’ai ensuite ramené cette expérience dans le champ urbain. La ville étant forcément et à tous les niveaux, un tableau de jeu beaucoup plus riche. Je me suis approprié cette icône jaune pour en faire, à l’instar des taggeurs, ma signature dans la rue. J’ai passé quelques années à partager les préoccupations de la scène street art et post graffiti en posant mon Pacman un peu partout.​
Au début je m’intéressais surtout à la dimension mobile du Pacman et à la valeur métaphorique de ses déplacements, mais très vite je me suis penché sur l’histoire même du jeu et sur ses conditions d’apparition dans l’univers des loisirs.​
Sans faire un cours d’histoire des jeux vidéos, le Pacman est un des tout premiers jeux à être apparu au début des années 80, j’avais alors dix ans. Je me souviens encore de la fascination qu’exérçaient tous ces jeux éléctroniques sur mes copains et sur moi même. Le pére de l’un d’eux avait à la fin des années 70, ramené d’un voyage au Japon des petits jeux éléctroniques de poche,  ce fut une véritable révolution visuelle et sonore au milieu de nos legos et de nos playmobils.​
La génération qui est née dans les années 70 et dont je fais partie, a été la premiére à utiliser des jeux de la sorte,
à manipuler des pixels sur des sons 8bits.
Nous avons grandi en même temps que ces jeux grandissaient aussi. Nous avons partagé nos enfances, un peu comme des fréres ou des cousins du même âge. Et cette parenté ne nous à jamais quittés.
Il est intéressant de considérer la forme même du Pacman, un rond, un rond de pixel, mais un rond. Un point, une cellule. Un point de départ. Et c’est sur cet aspect là que je me suis attardé, sur la dimension organique et cellulaire du Pacman. Comme si cette entité numérique en étant à l’origine d’une nouvelle forme de nature en était la cellule souche.
L’évolution des jeux vidéos en trente ans, plus particulièrement dans ce cas l’aspect physique des personnages dans les jeux, valide cette thèse d’une symétrie entre l’evolution de l’homme de chair et celle de l’être de pixel.
Le Pacman a une généalogie, ses descendants ont vu progressivement la technologie les doter d’attributs de plus en plus réalistes, jusqu’à arriver à des formes récentes confondantes, en 3D ultra réalistes. On peut facilement fantasmer sur la suite...
En 99 j’ai peint toute un serie de Lara Croft. Lara Croft est sûrement le premier être numérique pourvu de sensualité, l’une des premières icônes sexuelles virtuelles. J’en ai fait plusieurs portraits et l’ai aussi représenté allongée, lascive, dans des pauses directement inspirées des odalisques d’Ingres ou de Manet. Mon intention en la peignant ainsi était de lui reconnaître son pouvoir de séduction justement, sa féminité, d’admettre que bien que virtuelle, elle n’en était pas moins imprégnée d’une forme de vie et de sensualité quasi humaine.
Vers 2003, je me suis intéressé à un autre jeu vidéo, Singles Flirt Up Your Life, un jeu de simulation de vie. J’ai peint quelques grands formats à l’huile mettant en scènes des personnages assez réalistes, seuls ou en groupe, vides d’émotion, absents mais semblant pourtant attendre quelque chose. Je les ai peints en pensant aux héros sans sentiments des bouquins de Breat Easton Ellis et en les rapprochant dans ces positions d’abandon méditatif de ces personnages d’Edward Hopper installés dans l’attente.
L’ambiguité troublante sur le statut et l’identité des ces entités digitales m’intéresse profondément. Ces observations et les questions qu’elles suscitent m’apparaissent, d’un point de vue métaphysique, fondamentales.
L’ére du numérique est un bouleversement majeur dans l’histoire de l’humanité. Nous n’avons pas d’autre choix à mon sens, que d’apprendre à vivre avec cette nature que nous avons créee entiérement et qui est en train de se développer, de grandir et qui finira forcément tôt ou tard par quitter le foyer parental, libre et autonome.
Parallèlement à ça, je m’interesse beaucoup à l’état actuel de la recherche dans les domaines de la génétique, des biotechnologies ou des nanotchnologies. Bon attention, j’ai une connaissance très très relative de ces disciplines, de plus ma lecture de tout ça est très clairement nourrie de films d’anticipation comme Blade Runner, Bienvenue à Gattaca, de l’oeuvre de Cronenberg ou de l‘incontournable Homme qui valait trois milliards.
Si on observe ce qui se passe dans ces deux secteurs que sont l’industrie du jeu vidéo ou celui de la recherche en biologie, il me semble que leurs ambitions respectives ne sont pas très éloignées, on parle un peu de la même chose. On parle de création d’un être vivant. D’un côté on est en train de fabriquer un double numérique de l’homme et un environnement pour l’accueillir, de l’autre on tendrait à parfaire l’humain originel en le modifiant génétiquement ou en lui greffant des prothèses afin d’améliorer ses compétences.
Les deux axes de recherche sont clairement complémentaires.
En dehors des applications d’ordre purement medical, l’homme moderne s’est progressivement muni de prothèses technologiques, quasiment à son insu. En à peine quelques années, les ordinateurs portables, les télephones mobiles, internet et les réseaux sociaux ont complétement révolutionné les moyens de communication et la nature même des échanges entre les individus. Il parait tellement impensable d’imaginer vivre sans ces outils maintenant.
Cette modification radicale de nos comportements fait de nous des sortes de mutants. Et dans mes réflexions je situe le point de départ de cette mutation à l’apparition de Pacman.
Mais meme si ces sujets font partie de mes préoccupations, tout comme le médium que je privilégie, la peinture, mes sources d’inspiration sont assez simples, ce sont les individus, les êtres qui m’intéressent, comment ils vivent, là où ils vivent. C’est ça que je peins.

 

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